Au fil des maux

Bretagne : Qu’est-ce que le radon?

La Bretagne est majoritairement classĂ©e en zone 3 sur la carte de la potentielle prĂ©sence de radon ©ASN et IRSN Tout sur ce gaz, deuxiĂšme cause de cancer du poumon en Bretagne en cinq points. Le radon est un gaz radioactif inodore et incolore. DĂ©couvert en 1900, il est considĂ©rĂ© comme cancĂ©rigĂšne par le Centre international de recherche sur le cancer depuis 1987. Issu de la dĂ©sintĂ©gration naturelle de l’uranium prĂ©sent dans les sols et les roches, ce gaz est prĂ©sent  depuis des millĂ©naires dans les sols granitiques, comme Ă  Lannion, et les roches volcaniques. S’il se dissipe rapidement au grand air, sa concentration dans les espaces confinĂ©s est plus importante et une exposition prolongĂ©e peut devenir dangereuse. Un gaz qui tue En France, le radon reprĂ©sente la deuxiĂšme cause de cancer du poumon aprĂšs le tabac. Il tue 3 000 personnes et en touche 4 000 supplĂ©mentaires chaque annĂ©e. Cela reprĂ©sente 10 % des dĂ©cĂšs de cancer du poumon selon les chiffres de SantĂ© publique France. Avec 200 dĂ©cĂšs en Bretagne, c’est 20 % des cancers du poumon qui y sont dus. Des Ă©tudes scientifiques ont Ă©tĂ© menĂ©es pour savoir s’il pourrait Ă©galement ĂȘtre Ă  l’origine de leucĂ©mies et de cancers de l’estomac, notamment en cas de consommation d’eau chargĂ©e en radon. Aucun rĂ©sultat n’est cependant parvenu Ă  prouver ce lien et l’Organisation mondiale de la SantĂ© (OMS) estime que l’inhalation du gaz pourrait irradier d’autres organes mais Ă  des niveaux « beaucoup plus bas que dans le cas des poumons. » Quelles unitĂ©s de mesure ? Il existe deux unitĂ©s de mesure du radon distinctes qui s’appliquent Ă©galement aux autres rayons ionisants et sources de radioactivitĂ©. La premiĂšre est le Becquerel, souvent exprimĂ© par mĂštre cube (Bq/m3), qui permet de mesurer l’activitĂ© de la source et la concentration du radon dans les habitations. La deuxiĂšme est le (milli)Sievert par an (mSv/an) qui correspond Ă  l’impact du radon sur une personne au cours d’une annĂ©e.  Une norme française faible Bien que l’OMS recommande une exposition raisonnĂ©e Ă  une concentration en radon de 100 Bq/m3 depuis 2009, la France a fixĂ© sa limite d’exposition « au-dessus duquel il est jugĂ© inappropriĂ© d’exposer des personnes » Ă  300 Bq/m3. Cette limite a d’ailleurs Ă©tĂ© abaissĂ©e, puisqu’avant un dĂ©cret en 2018, elle Ă©tait de 400 Bq/m3. L’absence de consensus international sur une concentration limite favorise la mise en place de mesures de prĂ©vention au dĂ©triment de mesures lĂ©gislatives contraignantes. Que dit la loi? CrĂšches, Ă©coles, hĂŽpitaux : Lannion Ă©tant classĂ© en zone 3, la plus haute possible, le Code de la santĂ© publique stipule que ces Ă©tablissements doivent mesurer leur concentration en radon, au moins tous les dix ans. Si la limite de rĂ©fĂ©rence est dĂ©passĂ©e, “des travaux modifiant significativement la ventilation ou l’étanchĂ©itĂ© du bĂątiment” doivent ĂȘtre effectuĂ©s. Les rĂ©sultats doivent aussi ĂȘtre affichĂ©s dans ces bĂątiments publics.  Les travailleurs : le Code du travail place la valeur limite d’exposition professionnelle, Ă  20 mSv/an. Pour les travailleurs de moins de 18 ans, cette rĂšgle est abaissĂ©e Ă  6 mSv/an. Des “zones radon” doivent Ă©galement ĂȘtre mises en place quand cette dose est dĂ©tectĂ©e. Un panneau signalisant la prĂ©sence de radon doit alors ĂȘtre installĂ©. L’employeur doit Ă©galement dĂ©signer un salariĂ© ou un organisme compĂ©tent en radioprotection pour le conseiller sur les mesures Ă  prendre. Les futurs acquĂ©reurs et locataires : depuis 2016, un droit d’information est apportĂ© par le notaire ou l’agent immobilier avant la signature d’un contrat du fait d’un classement en zone 3. Une indication qui ne prend qu’une ligne dans l’état des risques miniers et technologiques sur le contrat. Aucune mesure du radon n’est par ailleurs obligatoire dans les logements.

Bretagne : Radon, deuxiĂšme cause de cancer du poumon

Le radon est la premiĂšre cause de cancer non Ă©vitable ©Kevin B  Le radon tue 200 personnes par an en Bretagne. Pourtant, la population ignore l’omniprĂ©sence de ce gaz dans la rĂ©gion. Le radon est le risque environnemental pour la santĂ© le plus mĂ©connu des Bretons, selon le baromĂštre SantĂ©-Environnement 2020 de l’Agence rĂ©gionale de santĂ© (ARS). 40% des sondĂ©s assurent n’en avoir jamais entendu parler alors que 82% de la population rĂ©side en zone « Ă  potentiel radon significatif » dans la rĂ©gion. Le radon est la premiĂšre cause de cancer du poumon non Ă©vitable : 200 dĂ©cĂšs en Bretagne, 3 000 en France par an. Un fatalisme palpable parmi les personnes sensibilisĂ©es au sujet : « Cette radioactivitĂ© est naturelle, si personne n’en parle, le phĂ©nomĂšne ne doit pas ĂȘtre important » ou encore « la prĂ©sence de ce gaz existe depuis des millĂ©naires ».  Mention obligatoire dans l’immobilier Autant d’arguments qui perdurent dans les discours. Nous l’avons d’ailleurs constatĂ© chez l’ensemble des notaires et agents immobiliers que nous avons contactĂ©s. ChargĂ©s de mentionner la prĂ©sence accrue de radon dans les sols bretons au moment de l’achat ou la construction d’un bien, certains estiment « qu’on ne pourrait plus vivre en Bretagne » si l’on prenait en compte ce risque. Un gaz dans l’angle mort S’il n’existe aucun moyen de ne pas du tout y ĂȘtre exposĂ©, il existe bien des solutions pour limiter son exposition et, de fait, son risque de dĂ©velopper un cancer du poumon. Cependant, un tiers de la population n’a aucune idĂ©e de comment la rĂ©duire, selon un sondage de l’Institut de radioprotection et de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire. À l’échelle de la Bretagne, l’ARS estime que le risque est toujours aussi mĂ©connu des habitants en 2020 que six auparavant.  Une sensibilisation prioritaire Ce constat montre la relative inefficacitĂ© des campagnes de prĂ©vention mises en place. Face Ă  cela, l’AutoritĂ© de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire a fait de la sensibilisation du grand public une mesure-phare de son plan d’action national dĂ©diĂ© au radon pour la pĂ©riode 2020-2024. Au-delĂ  de l’échelle individuelle, des solutions plus globales existent. Pour l’ARS, il s’agit de mieux former les professionnels du bĂątiment afin de rĂ©aliser des amĂ©nagements plus efficaces pour garder le radon dans les sols.

« J’ai 19 ans, j’ai avortĂ© Ă  l’hĂŽpital de Lannion »

Lucie* ne se sentait pas prĂȘte Ă  avoir un enfant

Lucie* ne se sentait pas prĂȘte Ă  avoir un enfant. ©Elisa Boyer 8 mars 2024. AprĂšs prĂšs d’un an de discussion, la loi de 1975 garantissant la libertĂ© de recourir Ă  l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est officiellement inscrite dans la Constitution. À Lannion, prĂšs de 190 femmes y ont recours chaque annĂ©e. Lucie* est l’une d’entre elles. Aujourd’hui, elle raconte son histoire.  « Pour moi, c’était un soulagement d’avorter. Je pense qu’à cause de la sociĂ©tĂ©, il y a beaucoup de femmes qui se sentent obligĂ©es d’interrompre ou de continuer leur grossesse. Selon moi, il faut ĂȘtre en accord avec sa dĂ©cision. AprĂšs, ce que pensent les autres, on s’en fiche. » Lucie* a 19 ans. Elle a avortĂ© Ă  l’hĂŽpital de Lannion le 12 fĂ©vrier dernier. Trois semaines plus tard, le Parlement se prononce en faveur de l’inscription dans la Constitution de la libertĂ© des femmes de recourir Ă  l’avortement. Un Ă©vĂšnement historique qui vise, dans un contexte politique fragile, Ă  sanctuariser cette libertĂ©, rĂ©cemment remise en cause dans certains pays, comme aux États-Unis, et toujours interdite ou fortement restreinte dans d’autres.  Comme 234 253 françaises en 2022, Lucie a pu bĂ©nĂ©ficier de cette libertĂ©. La jeune femme prend facilement sa dĂ©cision. « Pour moi, c’était une Ă©vidence que j’allais avorter. DĂ©jĂ , je suis trop jeune et en plus, je ne suis pas prĂȘte. » Étudiante dans le FinistĂšre. C’est loin de sa famille et de ses amis qu’elle dĂ©couvre qu’elle est enceinte. Lucie a dĂ©jĂ  fait plusieurs recherches sur l’avortement, elle en a dĂ©jĂ  parlĂ© Ă  ses proches. Elle sait qu’ils la soutiendront. « J’ai d’abord appelĂ© mon copain, puis ma famille et mes amis. »  Un suivi inĂ©gal dans les CĂŽtes-d’Armor De retour Ă  Lannion pour le week-end, elle prend rendez-vous Ă  l’hĂŽpital. Elle obtient une place pour un entretien le jeudi qui suit. Elle y rencontre une sage-femme qui l’accompagnera du dĂ©but Ă  la fin. AprĂšs des questions personnelles sur son moyen de contraception ou encore ses antĂ©cĂ©dents mĂ©dicaux, elle passe un examen mĂ©dical et une Ă©chographie. Lors de cet entretien, on lui apprend qu’elle est enceinte de huit semaines. Pour Lucie, c’est une bonne nouvelle. Elle a encore le choix entre l’IVG mĂ©dicamenteuse ou instrumentale. « L’avortement par mĂ©dicament amĂšne plus de complication, mais c’est plus simple et ça dure moins longtemps, une demi-journĂ©e maximum. » La prise du mĂ©dicament dĂ©clenchera une fausse couche. Normalement, une semaine est laissĂ©e aux patientes pour rĂ©flĂ©chir Ă  leur dĂ©cision. Celle de Lucie est dĂ©jĂ  prise. À ce sujet, la jeune femme tient Ă  prĂ©ciser : « À aucun moment, je ne me suis sentie jugĂ©e par le personnel mĂ©dical ». La date de l’avortement est fixĂ© Ă  seulement quatre jours aprĂšs l’entretien.  Cette prise en charge rapide n’est pas la mĂȘme partout sur le territoire. À seulement 70 km de Lannion, le Planning familial de Saint-Brieuc dĂ©nonce un accĂšs Ă  l’avortement de plus en plus compliquĂ© dans les zones rurales des CĂŽtes-d’Armor. En effet, seuls trois soignants libĂ©raux pratiqueraient l’IVG en dehors des hĂŽpitaux de Saint-Brieuc, Lannion, Dinan et Guingamp. Or un nombre plus important de praticiens libĂ©raux pratiquant l’IVG mĂ©dicamenteuse permettrait de dĂ©sengorger les Ă©tablissements de santĂ© surchargĂ©s par les demandes. “C’était trĂšs douloureux” Pour Lucie, il Ă©tait important de ne pas ĂȘtre seule durant la matinĂ©e de son avortement. « Tu es dans une chambre d’hĂŽpital, on t’installe et on te donne deux mĂ©dicaments et un antidouleur Â», raconte la jeune femme. Â« Un proche peut venir et rester avec toi. Personnellement, j’ai demandĂ© Ă  mon copain. Toute seule, ça doit ĂȘtre compliquĂ© parce que ça fait vraiment mal. » Quelques jours aprĂšs, la douleur cloue toujours Lucie au lit. Elle saigne abondamment. « Je savais que c’était possible d’avoir des complications. Je suis retournĂ©e Ă  l’hĂŽpital. Ce n’Ă©tait rien de grave, mais c’était trĂšs douloureux. »  Un mois plus tard, Lucie conclut : « Pour moi, ça a Ă©tĂ© plus compliquĂ© physiquement que psychologiquement. Je n’ai jamais culpabilisĂ© ».

Lannion : À l’Ehpad, les repas rythment les journĂ©es

Chaque rĂ©sident peut choisir son repas Ă  la carte, comme dans un restaurant. ©Chara Phillipe Les couverts s’entrechoquent, les assiettes s’empilent. À l’Ehpad Saint-Anne, l’heure du dĂ©jeuner approche. Tous les jours, environ 260 repas sont servis aux rĂ©sidents. Un moment qu’ils attendent toujours avec impatience. Dans la grande salle Ă  manger, les rayons de soleil traversent les vitres et viennent rĂ©chauffer les tables. Une soignante fait des allers-retours, une autre pousse un chariot rempli de salades en tout genre. Il est 11h45, et les cuisiniers se prĂ©parent Ă  servir le repas du midi. DivisĂ© en plusieurs parties, l’espace restauration accueille les personnes dĂ©pendantes et autonomes tout au long de la journĂ©e. Matin, midi et soir, les rĂ©sidents rejoignent leur place attitrĂ©e. Pour les plus gourmands, un goĂ»ter est aussi prĂ©parĂ©, histoire de ne pas perdre les bonnes vieilles habitudes !  L’occasion de partager ses souvenirs « Le repas est le moment que les rĂ©sidents attendent le plus dans la journĂ©e », affirme Dominique Dugay, responsable restauration et hĂŽtellerie de l’Ehpad. « Puisqu’il y en a quatre par jour, cela rythme leurs journĂ©es ». À la rĂ©sidence, chaque repas est un moment d’échange et de rassemblement. L’occasion de partager ses souvenirs avec ses voisins de table. Dans certains groupes, on chahute et on dĂ©bat sur la personne qui a eu la carriĂšre professionnelle la plus impressionnante. Dans d’autres, on se tait et on dĂ©guste en silence. Jocelyne mange aux cĂŽtĂ©s de sa meilleure amie, Charlotte. Colliers autour du cou, maquillage et bracelets aux poignets, les deux copines se remĂ©morent leurs voyages passĂ©s. « C’est vrai que j’ai fait le tour du monde ! », commence l’une en admirant ses bagues. « Burkina Faso, les Antilles, l’AmĂ©rique du Sud
 j’aime le soleil et quand il fait chaud ! » « Moi, je prĂ©fĂšre ĂȘtre Ă  l’ombre », renchĂ©rit son acolyte. « Quand j’étais jeune, je suis allĂ©e en Roumanie. On avait Ă©tĂ© bien reçu, mais les gens avaient l’air triste », se rappelle la vieille femme, perdue dans ses pensĂ©es. Verre de vin, jus ou eau, chacun garde ses petites habitudes ! ©Chara Phillipe Sur la table Ă  cĂŽtĂ©, Michel raconte fiĂšrement son passĂ© d’instituteur. « J’étais professeur Ă  l’IUT de Lannion. J’étudiais les sciences, le gĂ©nie mĂ©canique. Mais je ne me souviens plus trop de tout ça maintenant », avoue le vieil homme en souriant. Si certains rĂ©sidents sont comme lui Bretons d’origine, d’autres viennent d’un peu plus loin. « Je ne reçois pas beaucoup de visites, ma famille habite loin », tĂ©moigne Jocelyne. « C’est toujours agrĂ©able lorsque je vois du monde. Cela me permet de discuter un peu. » Au milieu d’un quotidien pas toujours trĂšs joyeux, les petits moments comme les repas font du bien au moral des rĂ©sidents, et Ă©gayent leurs journĂ©es. Jocelyne : « Nous avons de bons cuisiniers qui se donnent du mal » ©Chara Phillipe

Lannion : Santé mentale des jeunes, les psychologues analysent

De plus en plus de collĂ©giens et de lycĂ©ens font appel Ă  un psychologue ©Cottonbro studio Depuis le confinement, la santĂ© mentale des jeunes se dĂ©grade en France. À Lannion, c’est une tendance qui se confirme. Des psychologues nous expliquent ce dĂ©clin.  « J’ai Ă©tĂ© surprise du nombre d’appels de la part de lycĂ©ens et collĂ©giens pour de l’anxiĂ©tĂ©. » Marion Guilloux, psychologue Ă  Lannion, vient d’ouvrir son cabinet de psychologie en janvier. Elle a vu un nombre de dĂ©marches important dans la ville pour des jeunes souffrant d’angoisses et de stress. Un mal-ĂȘtre qui peut se traduire par « des troubles du sommeil, des performances scolaires en baisse, ou encore des maux de ventre avant d’aller en cours ». Une tendance qui s’est dĂ©veloppĂ©e avec le confinement. Pascale Le Bourse, psychologue Ă©galement Ă  Lannion, explique : « L’enfermement est quelque chose qui peut ĂȘtre impossible Ă  gĂ©rer pour certaines personnes, le fait d’ĂȘtre contraint  dans l’espace et dans ses mouvements. » À la suite du confinement, certains ont pu reprendre une vie normale. Mais d’autres ont vu leurs angoisses s’empirer. « Le confinement a pu causer des difficultĂ©s relationnelles, certains ne peuvent plus aller trĂšs loin de chez eux malgrĂ© le dĂ©confinement. Ils ne savent plus ce qu’ils veulent », tĂ©moigne la psychologue. « L’estime et la confiance de soi vont se dĂ©tĂ©riorer » Pour certains jeunes, il est difficile de faire la dĂ©marche d’aller voir un professionnel. « Ils ont peur de demander de l’aide, et pensent qu’ils vont se dĂ©brouiller tout seul », analyse Pascale Le Bourse. Mais sur le long terme, la dĂ©gradation de la santĂ© mentale des adolescents peut devenir un problĂšme. « L’estime et la confiance en soi vont se dĂ©tĂ©riorer, ce qui peut pousser au dĂ©sengagement social, et Ă  l’isolement. Certains tombent mĂȘme dans des addictions, par exemple les jeux vidĂ©os ou les produits psychotropes [cafĂ©, alcool, cocaĂŻne, tabac ou cannabis], afin de fuir la rĂ©alitĂ© », explique Marion Guilloux.  Pascale Le Bourse conclut : « Les jeunes sont anxieux car ils ont peur pour l’avenir, qui est vouĂ© Ă  la destruction. Ça les empĂȘche de se projeter dans leur profession ou leur famille. Le confinement est venu comme une mĂ©tĂ©orite, et ça a tout amplifiĂ©. »

Que pensent les Lannionnais du projet de loi fin de vie ?

Emmanuel Macron a prĂ©sentĂ© un projet de loi sur la fin de vie, le 11 mars 2024. Pour Ă©viter les dĂ©rives, des conditions trĂšs strictes encadrent ce dispositif « d’aide Ă  mourir ». Les patients majeurs « capables d’un discernement plein et entier » atteints d’une « maladie incurable » qui engage leur « pronostic vital Ă  court ou moyen terme » pourront « ĂȘtre aidĂ©s afin de mourir ».  Corinne ©Jade Lelieur Olivier et Erwan ©Jade Lelieur Pierre ©Jade Lelieur Marie-Lou ©Jade Lelieur Nous sommes allĂ©s Ă  la rencontre des Lannionnais pour connaĂźtre leur avis sur ce projet de loi. La majoritĂ© y est plutĂŽt favorable. C’est le cas de Corinne, ancienne infirmiĂšre Ă  la retraite depuis un an. « Chacun doit pouvoir choisir de lutter ou non. » Marie, tirant son chariot rouge, affirme : « Pour avoir vu des proches souffrir, je voudrais que chacun puisse partir le plus dignement possible. » D’autres redoutent de potentiels abus. C’est le cas d’Olivier et Erwan. Ils discutent du sujet sur le chantier de la place du Marchallac’h. « C’est une bonne chose, mais il faut que ce soit bien arbitrĂ© pour qu’il n’y ait pas de dĂ©rive. » Une instance de contrĂŽle et d’évaluation placĂ©e sous la tutelle du ministĂšre de la SantĂ© est prĂ©vue. À 87 ans, Pierre a laissĂ© un mot Ă  ses enfants si quelque chose lui arrivait. Mais cela reste un sujet difficile Ă  aborder pour lui : « On ne peut pas ĂȘtre pour ou contre », argue-t-il. Marie-Lou est Ă©tudiante en premiĂšre annĂ©e Ă  l’école d’infirmiers, l’IFSI, et se questionne. « C’est une bonne idĂ©e, mais comment l’accĂšs va-t-il ĂȘtre contrĂŽlĂ© ? » Cette question de la fin de vie soulĂšve aussi des oppositions, notamment de la part de la SociĂ©tĂ© française d’accompagnement et de soins palliatifs, mais aussi des organisations religieuses. Le projet de loi devrait arriver en Conseil des ministres ce mois-ci.

A Lannion, Marie-Claude est le rayon de soleil de l’Ehpad Sainte-Anne

Marie-Claude qui sourit

Marie-Claude, animatrice de l’EHPAD, a fait venir des musiciens pour l’anniversaire des rĂ©sidents. ©Chara Philippe Marie-Claude Brajeul est responsable animation Ă  l’Ehpad Sainte-Anne depuis 17 ans. Peinture, chant, ou encore jardinage, l’animatrice fait preuve de crĂ©ativitĂ© pour proposer chaque jour de nouvelles activitĂ©s aux rĂ©sidents. AprĂšs avoir travaillĂ© auprĂšs d’enfants pendant quinze ans, Marie-Claude redĂ©couvre le mĂ©tier d’animatrice en arrivant en Ehpad. « J’ai eu l’impression de faire un autre mĂ©tier », avoue-t-elle l’air pensif. « Ici, je dois constamment m’adapter. Il y a des gens trĂšs dĂ©pendants, d’autres avec des troubles cognitifs. Certains sont totalement autonomes. »Lorsque la jeune femme prend ses fonctions, tout est Ă  crĂ©er. « Il n’y avait jamais eu d’animatrice auparavant. C’était vide et triste. Parce que c’est un lieu de vie avant d’ĂȘtre un lieu de soins, j’ai voulu y apporter de la joie », affirme Marie-Claude. Une mission plutĂŽt rĂ©ussie au vu des crĂ©ations multicolores qui dĂ©corent l’ensemble du bĂątiment.  « Les rĂ©sidents comptent sur moi » Trois fois par jour, l’animatrice met l’ambiance. Avec une activitĂ© le matin et deux l’aprĂšs-midi, les rĂ©sidents de Sainte-Anne n’ont pas le temps de s’ennuyer ! « Il y a aussi des animations “repĂšres” », dĂ©taille Marie-Claude. « Le lundi, c’est jeux sportifs. Le mercredi, c’est gym. Et le vendredi, on sort ! Tous les soirs, je propose aussi des jeux de mots, pour faire travailler leur mĂ©moire. » À l’écoute des rĂ©sidents, l’organisatrice tient Ă  s’adapter aux souhaits et aux demandes de chacun. « Lorsqu’ils me font part d’une idĂ©e, je la mets vite en place. Je ne veux pas les faire attendre, car on ne sait pas ce qui peut arriver » sourit-elle tristement. Ambitieuse, Marie-Claude n’hĂ©site pas Ă  faire sortir les participants de leur zone de confort. « Une fois, je leur ai fait faire du hip-hop, vous vous rendez compte ? C’était vraiment gĂ©nial ! », se rappelle-t-elle en riant.  Organiser autant d’activitĂ©s demande beaucoup d’investissement. Une mission qui n’effraie pas Marie-Claude, qui travaille Ă  plein-temps, et mĂȘme parfois le week-end : « Je fais des heures en plus, c’est vrai, mais parce que c’est moi qui le veux », dĂ©clare-t-elle. « C’est dur et prenant, mais les rĂ©sidents comptent sur moi. » « Je fais le lien entre l’extĂ©rieur et l’Ehpad » Pour certains rĂ©sidents, il est difficile, voire impossible, de sortir loin du foyer. « Tout le monde ne peut pas aller dehors. Mon rĂŽle est alors de trouver des solutions pour faire rentrer la culture au sein mĂȘme de l’Ehpad », explique l’animatrice. Expositions ou concerts privĂ©s, cette derniĂšre travaille avec des artistes en tous genres, mais aussi avec les autres Ehpad et les centres de loisirs. « Il y a tellement de rencontres. Je vois des rĂ©sidents s’épanouir, et c’est un vrai bonheur », rayonne Marie-Claude.

Avorter Ă  Lannion, comment faire ?

              À l’hĂŽpital de Lannion, le dĂ©lai pour l’IVG est de moins de sept jours © Nataliya Vaitkevich Les mĂ©thodes Pour avorter, deux mĂ©thodes, au choix, existent : l’IVG mĂ©dicamenteuse ou l’IVG instrumentale. Toutes deux sont remboursĂ©es Ă  100% par l’Assurance maladie. La premiĂšre est applicable jusqu’à la neuviĂšme semaine de grossesse. Elle consiste Ă  prendre des mĂ©dicaments anti progestĂ©rone et prostaglandine qui provoquent l’interruption de la grossesse et l’expulsion de l’embryon. La deuxiĂšme mĂ©thode repose sur la dilatation du col de l’utĂ©rus et l’évacuation du contenu utĂ©rin par aspiration. Le dĂ©lai pour en bĂ©nĂ©ficier est de 14 semaines. OĂč aller ?  La premiĂšre chose Ă  faire est de consulter un mĂ©decin ou une sage-femme. Ils doivent exercer dans un hĂŽpital, une clinique, un cabinet de santĂ©, un centre de santĂ© ou de santĂ© sexuelle. L’IVG instrumentale se pratique uniquement dans des Ă©tablissements de santĂ©, tandis que l’IVG mĂ©dicamenteuse peut Ă©galement ĂȘtre pratiquĂ©e par des mĂ©decins libĂ©raux et des sages-femmes. Si certains ne pratiquent pas l’IVG, invoquant la clause de conscience, ils doivent en informer leurs patients et les rediriger vers un autre praticien ou un Ă©tablissement de santĂ©. À Lannion, le dĂ©lai pour l’IVG est de moins de sept  jours selon le Centre de santĂ© sexuelle. Aucun libĂ©ral n’est conventionnĂ© avec l’hĂŽpital pour le pratiquer. Et l’accompagnement post-IVG ? Une visite de contrĂŽle doit intervenir entre le 14ᔉ et le 21ᔉ jour aprĂšs l’IVG instrumentale ou mĂ©dicamenteuse. Elle permet de s’assurer que la grossesse a bien Ă©tĂ© interrompue et qu’aucune complication n’est apparue suite Ă  l’opĂ©ration. Un entretien avec un psychologue est Ă©galement proposĂ© lors de cette visite. À Lannion, Ă  chaque entretien prĂ©opĂ©ratoire et postopĂ©ratoire, jusqu’à cinq sĂ©ances sont proposĂ©es avec les psychologues de l’hĂŽpital, d’aprĂšs le Centre de santĂ© sexuelle. Qui contacter?  Centre de santĂ© sexuelle de Lannion: 02 96 05 71 55 Planning familial de Saint-Brieuc: 06 75 56 47 03

Lannion : « Je n’avais plus la force d’aller en cours »

Des mains féminines sur un ordinateur, un casque audio et des antidépresseurs à cÎté.

Certains Ă©tudiants se voient obligĂ©s de prendre des mĂ©dicaments pour leur santĂ© mentale. ©Lannews Julie s’est rĂ©orientĂ©e et Ă©tudie Ă  prĂ©sent Ă  Lannion. Une nouvelle vie pas si facile pour la jeune femme en dĂ©pression. Entre troubles du comportement alimentaire et de la concentration, elle doit se battre pour continuer ses Ă©tudes. « Être loin de chez soi, ça perturbe. » AprĂšs un an en universitĂ© dans l’est de la France, Julie arrive en septembre 2022 Ă  l’IUT de Lannion. ÉpuisĂ©e par l’exigence de cette premiĂšre annĂ©e, sa santĂ© mentale continue Ă  se dĂ©tĂ©riorer en Bretagne.  InstallĂ©e Ă  Lannion, la jeune femme rĂ©alise rapidement que se rĂ©orienter, c’est aussi s’adapter Ă  un nouvel environnement. Ce qui n’est pas toujours simple, surtout lorsqu’on ne va pas bien. « En 2019, j’ai vĂ©cu un Ă©vĂ©nement familial traumatisant », raconte Julie. « Puis j’ai subi Ă©normĂ©ment de pression lors de ma premiĂšre annĂ©e d’études Ă  la fac. C’est devenu pire Ă  l’IUT. C’était difficile parce que je n’étais dĂ©jĂ  pas stable mentalement. »  Petit Ă  petit, Julie prend conscience de sa souffrance. « Je ne me nourrissais plus correctement. Je ne mangeais pas pendant plusieurs jours, ou alors, je m’empiffrais, puis je vomissais. Avant d’ĂȘtre en Ă©tudes supĂ©rieures, je minimisais ce genre de comportements. Maintenant, je rĂ©alise que ce n’est pas normal. »  Parler pour aller mieux Le mal-ĂȘtre de la jeune femme est longtemps restĂ© secret. Par peur des rĂ©percussions, elle s’interdisait d’en parler Ă  qui que ce soit. « Je n’étais pas diagnostiquĂ©e, je redoutais d’en parler aux mĂ©decins. » En septembre dernier, aprĂšs plusieurs annĂ©es de silence, c’est le dĂ©clic. « AprĂšs une accumulation de situations, j’ai dĂ©cidĂ© d’aller Ă  l’hĂŽpital pour parler avec des professionnels. Je voulais aller mieux. » RĂ©solue, l’étudiante pose enfin des mots sur ses tourments.  « Je prends dĂ©sormais des mĂ©dicaments pour attĂ©nuer mes idĂ©es noires et je vais voir une psychiatre tous les mois pour parler de mes soucis », dĂ©taille Julie. Un traitement qui facilite son quotidien, mais qui complique ses Ă©tudes : « J’ai du mal Ă  me concentrer. Souvent, je dois relire plusieurs fois une phrase pour la comprendre. J’ai aussi de grosses lacunes sur les Ă©valuations thĂ©oriques. Je ne me souviens de rien alors que je connais le cours. » Une maladie qui ne se contrĂŽle pas Difficile de donner le meilleur de soi lorsqu’on a la tĂȘte ailleurs. Un constat dĂ©cevant pour la jeune femme, qui se faisait une joie de poursuivre ses Ă©tudes. « Au dĂ©but, j’idĂ©alisais le monde universitaire. On m’avait dit que c’était trop bien et que ça me plairait
 En rĂ©alitĂ©, c’est plus compliquĂ©. Une journĂ©e de cours peut sembler parfaite, et d’un coup, sans pouvoir la contrĂŽler, une pensĂ©e intrusive arrive. » « GĂ©rer sa santĂ© mentale en plus des cours, c’est vraiment compliquĂ© », avoue Julie. L’étudiante dĂ©nonce le manque de considĂ©ration des troubles psychiques de certains enseignants. « Dans mon ancienne universitĂ©, si l’on Ă©tait malade physiquement, les professeurs comprenaient. Mais si l’on allait mal mentalement, on nous faisait comprendre qu’on ne justifierait pas nos absences. À Lannion, c’est diffĂ©rent. MĂȘme si je loupe des cours, les enseignants sont Ă  l’écoute », optimise Julie. Le corps universitaire prend de plus en plus conscience du mal-ĂȘtre Ă©tudiant. À Lannion, des actions de prĂ©vention sont organisĂ©es par la ville. NĂ©anmoins, certains Ă©tudiants gardent le silence. À l’image de Julie, quatre Ă©tudiants sur dix prĂ©sentent des symptĂŽmes dĂ©pressifs depuis l’épidĂ©mie de covid-19 en France.  * À la demande de l’étudiante, son prĂ©nom a Ă©tĂ© modifiĂ©.

« Un mĂ©decin Ă  Lannion ? Vous n’en trouverez jamais ! » 

Est-il possible de trouver un mĂ©decin traitant Ă  Lannion ? Pour le savoir, nous nous sommes glissĂ©s dans la peau du Lannionnais et avons appelĂ© tous les mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes de la ville. « Veuillez rappeler le 3 juin Ă  9h. » La messagerie vocale de ce mĂ©decin est similaire aux 17 autres que nous avons appelĂ©s. Vous l’aurez compris, la ville TrĂ©gorroise vit une vraie pĂ©nurie de praticiens. « Nous avons des dĂ©lais trop longs, nous ne prenons pas de nouveaux patients. » Appel aprĂšs appel, les rĂ©ponses des professionnels de la santĂ© se ressemblent toutes. AgacĂ©s, les mĂ©decins et leurs secrĂ©taires ont l’air dĂ©passĂ©s par la situation. « Cela ne sert Ă  rien de chercher, vous ne trouverez jamais, c’est la catastrophe », s’affole mĂȘme une praticienne, exaspĂ©rĂ©e par les Ă©vĂšnements. Un unique docteur Ă©chappe Ă  cette rĂšgle, mais lĂ  encore, n’espĂ©rez pas un suivi rĂ©gulier, il ne prend tout simplement pas de rendez-vous. Un problĂšme de renouvellement Aux nouveaux arrivants confrontĂ©s au problĂšme de la recherche d’un mĂ©decin traitant s’ajoutent des habitants de longue date qui perdent le leur. DĂ©parts Ă  la retraite et mutations Ă  temps plein laissent ces patients dĂ©pourvus de gĂ©nĂ©ralistes sur le long terme. L’agglomĂ©ration, consciente du problĂšme, a tentĂ© de mettre en place des actions pour rendre le secteur plus attractif, le Contrat Local de SantĂ©. Des sĂ©minaires pour jeunes internes, aidĂ©s financiĂšrement dans leurs Ă©tudes sont organisĂ©s tout au long de l’annĂ©e, suivi des conjoints pour faciliter leur intĂ©gration professionnelle, les mesures adoptĂ©es sont nombreuses. À ce sujet, Antoine Van Meeuwen, chargĂ© de mission santĂ© Ă  l’agglomĂ©ration, avoue : « MĂȘme si le programme a attirĂ© certains mĂ©decins, les rĂ©sultats restent encore limitĂ©s ».   « Je n’exerce plus en tant que gĂ©nĂ©raliste » Pour faciliter les recherches de soignants, il existe Ameli, une plateforme qui liste les praticiens. À Lannion, faute de mises Ă  jour, les sites censĂ©s aider les patients peuvent au contraire les desservir. « Mais voyons, je n’exerce plus en tant que gĂ©nĂ©raliste ! », s’exclame un des supposĂ©s mĂ©decins au tĂ©lĂ©phone lorsque nous le contactons. À notre grande surprise, certains numĂ©ros ne sont pas attribuĂ©s ou conduisent vers des mĂ©decins Ă  la retraite ou ayant changĂ© de domaine d’exercice. Un des numĂ©ros conduit mĂȘme Ă  la maison du DĂ©partement de Lannion ! La voix Ă  l’autre bout du fil, visiblement loin du milieu de la mĂ©decine, ironise: « Ah moi, vous pouvez ĂȘtre sĂ»rs que je ne vous accorderai pas de rendez-vous ! »