
Frédéric André est responsable des cimetières à Lannion depuis six ans. Avec cinq autres agents de la ville, il doit gérer six cimetières et 5 000 concessions. De l’entretien à l’accompagnement des familles, il raconte son quotidien.
Cela fait 22 ans que Frédéric André travaille dans le funéraire. Comme la plupart de ses collègues, il a commencé comme marbrier fossoyeur, puis a été responsable d’un crématorium. À Lannion, le service cimetière est un service à part. Les agents ont une mission un peu différente des autres gardiens : ils ont affaire directement aux familles. Une mission que Frédéric André apprécie particulièrement. « Ce qui me motive, c’est d’accueillir les gens, et de les aider à accepter le départ d’un être cher. Je me sens utile. »
S’adapter aux familles
Être gardien de cimetière, c’est aussi rassurer les familles qui sont souvent préoccupées par l’entretien de la concession et sa durée. « On reçoit les familles et on les accompagne dans les démarches administratives, car il y en a de plus en plus », explique Frédéric André. Les agents vendent aussi des concessions, pour 10, 15, ou 50 ans, et aident les familles à choisir s’ils souhaitent pour leur défunt une inhumation en pleine-terre, en caveau, en columbarium, ou encore dans le puits du souvenir, un puits destiné à recevoir les cendres des défunts.
Entre religions et croyances personnelles, les cérémonies funéraires peuvent être très différentes. « On se doit d’être neutre et d’apprendre les caractéristiques de toutes les religions. Lors des cérémonies musulmanes, le gardien de cimetière n’a pas le droit de mettre en bière le corps [mettre le corps dans le cercueil, NDLR], c’est la famille qui le fait, explique Frédéric André. Il faut aussi placer le corps du défunt sur le côté, avec le regard vers la Mecque. » De même, pour les protestants, c’est une autre réalité. « Le défunt arrive avec les pieds vers l’avant, pour être tourné vers le Seigneur, à la différence des catholiques où le corps arrive la tête en avant. »
Le responsable du cimetière est également maître de cérémonie. De plus en plus, il observe une augmentation du nombre de cérémonies civiles, qui sont plus personnelles : « On devient le porte-parole des familles, pour qui il peut être compliqué de parler à ce moment-là. » Son rôle est de préparer avec eux la cérémonie, quelques jours avant, en choisissant par exemple les musiques à diffuser.
« On est la police du funéraire »
En plus de l’accompagnement des familles, les agents de cimetière doivent s’occuper de la propreté. « On entretient entre les concessions pour que ça soit propre, les parterres de fleurs, on s’occupe de la tonte… » À Lannion, l’objectif est d’enherber tous les cimetières, pour un côté esthétique et une facilité de nettoyage. « L’objectif est d’apporter un peu de couleur », ajoute Frédéric André qui estime que le la Ville lui donne les moyens, à lui et ses collègues, de faire son travail dans de bonnes conditions.
À Lannion, un carré militaire a été construit dans le cimetière du Forlac’h. Il y a également un ossuaire où d’anciens combattants ont récemment été exhumés. C’est aussi le rôle de l’agent de s’en occuper ; une fierté pour le responsable du cimetière. « Tous les 11 novembre, une cérémonie est organisée, avec le maire et le préfet. C’est un bel hommage. »
Grâce à un logiciel, les gardiens savent qui est enterré et à quel endroit. « Pendant le confinement, lors de la crise du Covid, beaucoup de gens se sont amusés à faire leur arbre généalogique. On a eu énormément de demandes de personnes qui cherchaient leurs aïeux. » Une autre de leurs tâches est de vérifier la mise en bière. En France, le corps du défunt doit obligatoirement être placé dans un cercueil avant d’être enterré. « On est un peu la police du funéraire », plaisante à ce sujet Frédéric André.

Créer du lien avec les familles endeuillées
De l’accompagnement administratif en passant par le choix de l’inhumation jusqu’à la période de deuil, les gardiens de cimetière accompagnent les familles avant, pendant, et après la perte d’un proche. « Il faut être humain, avoir de l’empathie et aimer rendre service », assure Frédéric André. « Mais il faut aussi pouvoir le faire, car cela peut être pesant et triste de travailler ici. On sait que la vie est fragile et qu’elle peut s’arrêter à tout moment. »
Au fur et à mesure du processus de deuil, le lien se crée entre les agents et les proches des personnes enterrées. « Quand les gens viennent se recueillir, on prend le temps de rester avec eux. Même si c’est cinq minutes, cela ne nous retarde pas dans notre travail, et ça peut les aider. Pour les personnes âgées par exemple, c’est peut-être la seule conversation qu’ils vont avoir de la journée. Leur demander comment ils vont, c’est important » témoigne le gardien.
Une qualité essentielle, que l’agent a acquise petit à petit. « Les gens nous racontent leur vie et veulent se livrer. On reste neutre en étant discret, et on est là pour qu’ils se sentent mieux. S’ils partent d’ici en se sentant plus légers, on aura gagné notre journée », assure le responsable.
Un rôle nécessaire, car faire son deuil est très compliqué. « Quand on perd un proche, les gens autour de nous nous disent que ça va aller, que ça va passer, raconte Frédéric André. Mais perdre un être cher est une plaie qui ne part pas, on s’habitue simplement à vivre avec. »