Au fil des maux

Lucie* ne se sentait pas prête à avoir un enfant
Lucie* ne se sentait pas prête à avoir un enfant. ©Elisa Boyer
8 mars 2024. Après près d’un an de discussion, la loi de 1975 garantissant la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est officiellement inscrite dans la Constitution. À Lannion, près de 190 femmes y ont recours chaque année. Lucie* est l’une d’entre elles. Aujourd’hui, elle raconte son histoire. 

« Pour moi, c’était un soulagement d’avorter. Je pense qu’à cause de la société, il y a beaucoup de femmes qui se sentent obligées d’interrompre ou de continuer leur grossesse. Selon moi, il faut être en accord avec sa décision. Après, ce que pensent les autres, on s’en fiche. » Lucie* a 19 ans. Elle a avorté à l’hôpital de Lannion le 12 février dernier.

Trois semaines plus tard, le Parlement se prononce en faveur de l’inscription dans la Constitution de la liberté des femmes de recourir à l’avortement. Un évènement historique qui vise, dans un contexte politique fragile, à sanctuariser cette liberté, récemment remise en cause dans certains pays, comme aux États-Unis, et toujours interdite ou fortement restreinte dans d’autres. 

Comme 234 253 françaises en 2022, Lucie a pu bénéficier de cette liberté. La jeune femme prend facilement sa décision. « Pour moi, c’était une évidence que j’allais avorter. Déjà, je suis trop jeune et en plus, je ne suis pas prête. »

Étudiante dans le Finistère. C’est loin de sa famille et de ses amis qu’elle découvre qu’elle est enceinte. Lucie a déjà fait plusieurs recherches sur l’avortement, elle en a déjà parlé à ses proches. Elle sait qu’ils la soutiendront. « J’ai d’abord appelé mon copain, puis ma famille et mes amis. » 

Un suivi inégal dans les Côtes-d’Armor

De retour à Lannion pour le week-end, elle prend rendez-vous à l’hôpital. Elle obtient une place pour un entretien le jeudi qui suit. Elle y rencontre une sage-femme qui l’accompagnera du début à la fin. Après des questions personnelles sur son moyen de contraception ou encore ses antécédents médicaux, elle passe un examen médical et une échographie. Lors de cet entretien, on lui apprend qu’elle est enceinte de huit semaines.

Pour Lucie, c’est une bonne nouvelle. Elle a encore le choix entre l’IVG médicamenteuse ou instrumentale. « L’avortement par médicament amène plus de complication, mais c’est plus simple et ça dure moins longtemps, une demi-journée maximum. » La prise du médicament déclenchera une fausse couche.

Normalement, une semaine est laissée aux patientes pour réfléchir à leur décision. Celle de Lucie est déjà prise. À ce sujet, la jeune femme tient à préciser : « À aucun moment, je ne me suis sentie jugée par le personnel médical ». La date de l’avortement est fixé à seulement quatre jours après l’entretien. 

Cette prise en charge rapide n’est pas la même partout sur le territoire. À seulement 70 km de Lannion, le Planning familial de Saint-Brieuc dénonce un accès à l’avortement de plus en plus compliqué dans les zones rurales des Côtes-d’Armor. En effet, seuls trois soignants libéraux pratiqueraient l’IVG en dehors des hôpitaux de Saint-Brieuc, Lannion, Dinan et Guingamp. Or un nombre plus important de praticiens libéraux pratiquant l’IVG médicamenteuse permettrait de désengorger les établissements de santé surchargés par les demandes.

“C’était très douloureux”

Pour Lucie, il était important de ne pas être seule durant la matinée de son avortement. « Tu es dans une chambre d’hôpital, on t’installe et on te donne deux médicaments et un antidouleur », raconte la jeune femme. « Un proche peut venir et rester avec toi. Personnellement, j’ai demandé à mon copain. Toute seule, ça doit être compliqué parce que ça fait vraiment mal. »

Quelques jours après, la douleur cloue toujours Lucie au lit. Elle saigne abondamment. « Je savais que c’était possible d’avoir des complications. Je suis retournée à l’hôpital. Ce n’était rien de grave, mais c’était très douloureux. » 

Un mois plus tard, Lucie conclut : « Pour moi, ça a été plus compliqué physiquement que psychologiquement. Je n’ai jamais culpabilisé ».