Lannion : Quand les médecines parallèles et conventionnelles font corps

Gilles Lepicard apprend à ses élèves à maîtriser leur énergie. ©Louis Blanchard En plein essor, les thérapies complémentaires font aussi leur trou dans le milieu de la santé, jusque dans les centres hospitaliers. Le bras de Clara est un dragon. Son majeur est devenu une tête, et guide l’énergie de la jeune femme. Elle tente de garder la pose, mais peine à ne pas rire. Ce soir, elle s’est incrustée avec curiosité au cours de Qi Gong dans la lumineuse salle de travail du Crous de Lannion. Clara et sept autres étudiants sont rassemblés en cercle. Ils apprennent des mouvements en tentant d’ « aligner leur corps et leur esprit ». Ils sont réunis autour de Gilles Lepicard, leur professeur. Il tente de leur expliquer les postures “C’est comme dans Kung Fu Panda” Le Qi Gong est une branche de la médecine chinoise. Comme toutes les médecines non reconnues par l’Ordre des médecins, elle fait partie des médecines parallèles. Ces traitements se distinguant de la médecine occidentale sont en plein essor depuis la crise du Covid. Selon un sondage Odoxa, la moitié des Français seraient plus enclins à y recourir qu’en 2018. Concilier corps et mental Selon Gilles, l’activité permet de réduire la sédentarisation: « Quand le corps ne bouge pas, notre énergie stagne et crée de l’énergie perverse. En pratiquant le Qi Gong, le corps s’entretient naturellement. » Pour ce faire, les participants vont donc travailler à partir d’étirements sur la conscientisation du stress, du sommeil. Le point fort du Qi Gong : travailler la coordination entre le corps et le cerveau sans s’en rendre compte. D’un air amusé, Gilles résume son art : « On apprend à ne rien faire, mais à bien le faire.» L’hypnose aussi s’est développée ces dernières années. « On vient en complément des médecines classiques » expose Nelly Trauchessec, hypnothérapeute à Lannion: « On fait entrer le patient dans un état modifié de conscience. Cela permet de traiter de sujets difficiles comme le deuil, le stress, l’anxiété ou les troubles alimentaires. » « Collaborer avec les autorités sanitaires » Le Qi Gong et l’hypnothérapie sont pris au sérieux dans le milieu médical. Gilles Lepicard, en plus des ateliers au CROUS, a animé de nombreuses formations pour des infirmières dans des hôpitaux. « Il n’y a pas d’antagonisme entre la médecine conventionnelle occidentale et le Qi Gong, voire la médecine traditionnelle chinoise en général. » Gériatrie, anesthésiologie, traitement des cancers, les médecines chinoises sont de plus en plus utilisées en complément des traitements hospitaliers selon une étude de l’Académie nationale de médecine datant de 2013. C’est en réalité le cas de plusieurs médecines alternatives, l’hypnothérapie notamment. Dans son cabinet réunissant plusieurs spécialistes en médecines douces, Nelly Trauchessec a ainsi souvent l’occasion de mener des travaux de groupe avec d’autres professionnels de santé (sage-femmes, infirmières, médecins généraux). Les collaborations se font beaucoup pour des clients réticents à la médecine classique. « À la première séance, je pose plusieurs questions pour connaître les motivations des patients. L’idée est de travailler avec les autorités sanitaires. Si j’ai besoin de faire remonter des inquiétudes au sujet d’un malade, je le fais. Mais je préviens le patient, c’est important qu’il soit au courant. » Qi Gong ou psychothérapie, nos deux spécialistes s’accordent sur un point : « On est là en complément de la médecine classique. Ce qui est sûr, c’est que l’on ne va pas guérir un cancer. »
Pascal Lasbleiz (CGT) : « L’hôpital de Lannion manque de médecins urgentistes »

Pascal Lasbleiz craint que la régulation des urgences devienne la norme. ©Guillaume Petit-Marzin Depuis le 1ᵉʳ mars, les urgences de Lannion sont régulées la nuit. Pour être pris en charge, obligation de passer par le 15. La situation préoccupe Pascal Lasbleiz, infirmier et délégué syndical CGT. La Rédaction : Un seul médecin urgentiste exerce actuellement à l’hôpital de Lannion, pourquoi ? Pascal Lasbleiz : Normalement, nous avons deux médecins urgentistes. Mais l’un d’entre eux est en arrêt maladie longue durée. Pour bien fonctionner, les urgences auraient besoin de deux médecins urgentistes. Quand ce médecin part avec le SMUR (structure mobile d’urgence et de réanimation), il n’y en a plus aux urgences. Le problème, c’est qu’aujourd’hui, nous n’avons plus aucune marge de manœuvre. La direction cherche des remplaçants, mais elle n’en trouve pas. L’hôpital manque de médecins urgentistes. L.R : Nous avons reçu des témoignages de personnes âgées qui ont attendu plus de sept heures aux urgences. Ne craignez-vous pas que certains patients décèdent, faute de prise en charge ? P.L. : C’est clairement le risque ! Et sept heures encore, ce n’est pas beaucoup. À Lannion, la moyenne d’attente entre l’admission aux urgences et le placement dans le service compétent est plus souvent de douze heures. Nous avons eu des périodes l’hiver dernier où les patients sont restés jusqu’à 48 heures sur un brancard dans le couloir des urgences ! Une de nos craintes est que les patients attendent le lendemain pour venir consulter, alors que pour les problèmes cardiovasculaires par exemple, chaque heure compte. L.R : Que reprochez-vous à l’Agence Régionale de Santé (ARS) ? P.L. : L’ARS a laissé pourrir la situation de l’hôpital de Lannion. Cela fait dix ans que nous alertons sur le manque d’effectifs du service des urgences. Pourtant, les moyens continuent de baisser et le personnel avec. Mais, c’est un dialogue de sourds. L’ARS à Rennes n’écoute pas nos revendications. Ce qui nous inquiète encore plus, ce sont les politiques de santé nationales. François Braun, l’ancien ministre de la Santé, qui était pourtant médecin urgentiste, a déclaré que la régulation devait devenir la norme. L.R. : Le manque de médecins généralistes engendre-t-il une surcharge au sein du service d’urgence ? P.L. : C’est sûr ! On a de plus en plus de patients qui n’arrivent pas à trouver de médecin généraliste qui viennent aux urgences. Le soir, ils peuvent se diriger vers la maison médicale. Mais il n’y a pas le tiers-payant, l’assurance maladie ne paye pas directement le praticien. Tout le monde n’a pas les moyens de faire l’avance des frais de consultation.
A Lannion, des Ehpad remplis mais contraints d’augmenter les prix

Florian Le Men est directeur des deux Ehpad gérés par le CCAS ©Chara Phillipe Comme 85% des Ehpad en France, les deux établissements d’hébergement gérés par la ville sont en déficit budgétaire. Le fort taux de remplissage ne suffisant plus à couvrir la hausse des coûts, les tarifs des loyers vont augmenter. À Lannion, la résidence du Parc Sainte-Anne affiche complet. Florian Le Men, directeur de deux Ehpad, affirme avoir plusieurs centaines de dossiers sur liste d’attente. Difficile pour lui de dire combien de temps les demandeurs devront patienter. « On ne peut pas vraiment savoir quand un logement se libèrera », explique-t-il. « Dans la grande majorité des cas, cela arrive lors du décès d’un résident ». Dans les années à venir, il sera encore plus compliqué de trouver une place en Ehpad à Lannion. Depuis les années 1990, la part des plus de 60 ans augmente sur le territoire. Aujourd’hui, ils représentent 30% de la population selon l’INSEE. Un vieillissement qui va concerner la région dans son ensemble. D’ici 2050, le nombre de personnes âgées de plus de 85 ans devrait doubler, et l’âge moyen des Bretons augmenter de quatre ans selon les prévisions de l’institut. Delphine Le Roy, aide-soignante à la résidence Sainte-Anne depuis 26 ans, constate déjà un changement. « Quand je suis arrivée à l’Ehpad, c’était différent. Les résidents étaient plus autonomes, moins dépendants des soignants. Aujourd’hui, ils viennent s’ils n’ont pas d’autre choix. » Pour Florian Le Men, l’Ehpad doit aussi faire en sorte que les seniors puissent rester à domicile le plus longtemps possible. Pour cela, l’accès au soin et à une bonne alimentation est indispensable [voir dossier pages 8 et 9]. Augmenter les prix pour supporter les coûts Avec l’inflation, le dispositif de portage de repas coûte de plus en plus cher [voir reportage page 14]. Les augmentations de salaire du personnel soignant pèsent aussi dans le budget de la résidence. « On s’estimait sous-payées au vu de la charge physique et mentale qu’implique notre métier », justifie Delphine Le Roy à ce sujet. Pour son directeur, « ces revalorisations sont légitimes ». Une augmentation que les professionnels réclamaient depuis de nombreuses années. « Le souci, c’est que sur une augmentation de 120 € net par mois pour les aides-soignantes, il y a une partie qui n’est pas financée par l’ARS et le Conseil départemental », détaille Florian Le Men. « Quand on sait que les dépenses de personnel représentent 75 % du budget de l’EHPAD, ça devient vite compliqué. » À quelques jours du conseil d’administration, le directeur de 37 ans sait déjà que les deux EHPAD qu’il gère seront dans le rouge, malgré un budget annuel de presque 9 millions d’euros. Pour remédier en partie à ce déficit, le Conseil départemental devrait mettre en place une augmentation du prix à la journée dans les deux établissements d’environ 7%. « Conscients des difficultés des établissements, le Conseil départemental a proposé une augmentation assez forte pour la première fois depuis plusieurs années », précise Florian Le Men.
Livreur de repas à domicile, Xavier apporte la bonne humeur à Lannion

Au volant de sa fourgonnette frigorifique, Xavier livre chaque matin des repas à domicile. ©Guillaume Petit-Marzin Chaque matin, ils sont deux à livrer une centaine de repas à Lannion et ses alentours. Un service qui permet aux personnes âgées de rester à domicile et de voir du monde. Une dernière cigarette roulée, un café et Xavier part pour sa tournée. Il n’est pas facteur, mais porteur de repas à domicile pour le centre communal d’action social (CCAS) de Lannion. “Aujourd’hui, on distribue 49 plateaux repas. On peut monter jusqu’à 65 par tournée”. Ils sont deux chauffeurs à distribuer une centaine de repas à Lannion, Ploubezre et Ploulec’h. Chaque plateau est unique. “Il y a des personnes qui mangent sans sel, d’autres sans sucre. Certaines n’ont plus de dents, donc on leur prépare des repas moulinés. Ils nous disent aussi ce qu’ils aiment ou non, pour qu’on adapte au mieux les plateaux”, détaille Xavier. “On est souvent leur seule visite de la journée” Les porteurs de repas ne font pas qu’apporter à manger aux personnes âgées. Ils ont un rôle social très important. “On est souvent leur seule visite de la journée. On a un rôle de veille, on vérifie que tout va bien. On regarde s’ils mangent bien les plats qu’on apporte”, confirme le porteur dans la voiture. Xavier se gare et monte chez Madame Morin qui a soufflé ses 100 bougies en début d’année. “Bonjour Madame !”, s’exclame-t-il en pénétrant dans l’appartement. Pas de réponse. “Elle doit être absente. Ah non, elle dort dans son fauteuil.” Une fois le repas rangé dans le frigo, Xavier s’assure que tout va bien. Il claque la porte et explique : “J’ai vérifié qu’elle respirait encore”. Les porteurs sont parfois les premières personnes à arriver après un décès. C’est l’un des aspects difficiles du métier. La livraison de paniers permet aux clients de garder un lien social ©Guillaume Petit-Marzin Vers 9 h 30, retour à l’EHPAD Saint-Anne pour recharger les repas pour la seconde partie de la tournée. Un deuxième café et s’est reparti. Xavier connaît le trajet par cœur. Il optimise les trajets, les demi-tours pour gagner quelques précieuses minutes. Les repas doivent être livrés ni trop tôt, ni trop tard, entre 8h et 12h. Si son temps est compté, de temps en temps, Xavier reste un peu plus longtemps à l’intérieur. “Je vois bien quand ils ont un coup de mou, donc on reste un peu pour discuter et pour prendre un café”. “Il y a des liens qui se créent” Monsieur et madame Plunet est l’un des rares couples qui se fait livrer ses repas. Pas très intéressés par le menu du jour, ils préfèrent s’attarder les vacances de Xavier au Québec. “Tu as pris des couleurs ! Et alors, tu étais content de revoir ton fils ?”. Cette question, Xavier y a répondu plusieurs dizaines de fois depuis le début de la tournée. “Forcément, quand tu vois les gens tous les jours, il y a des liens qui se créent. On rentre dans leur intimité. On connaît leurs petites habitudes”, explique-t-il en accélérant sur la petite route. Beaucoup de personnes âgées se font livrer les repas, car ils ne peuvent plus se déplacer pour faire les courses. C’est le cas de Madame le Merrer qui se les fait livrer depuis deux mois. “Mes enfants ne pouvaient plus faire toutes mes courses. Et moi, je ne peux plus y aller”, détaille-t-elle en souriant. Le menu pourrait paraître presque secondaire. Pourtant, tous partagent l’avis de Madame Garnier, qui jette un dernier coup d’œil gourmand aux plats préparés. “Je cuisinais beaucoup avant, donc je suis difficile. Mais je dois reconnaitre que les repas sont très bons” avoue la retraitée avec un sourire malicieux.
Lannion : Le volley assis mise sur l’accessibilité

Au volley assis, les ballons utilisés sont les mêmes que dans un cours de volley classique. © Albane Galloyer Le volley assis est un sport qui se démocratise. Nathalie Prigent est entraîneuse adjointe de l’équipe de France de volley assis et salariée à l’ASPTT Lannion. À la salle Michel-Condom, elle prône un sport accessible à tous. En réponse à l’intérêt manifesté par plusieurs personnes en situation de handicap pour rejoindre le club de l’ASPTT à Lannion, Nathalie Prigent se lance dans la création d’une section de volley assis en 2019. Cette initiative naît de sa passion pour le volley, ainsi que de sa sensibilité au handicap, ayant été témoin de l’amputation de la jambe de son père pendant son adolescence. Un sport accessible à tous Si, à l’origine, ce sport était dédié aux personnes en situation de handicap, il s’est rapidement développé pour accueillir des participants inattendus. Certains joueurs qui souhaitaient arrêter le volley classique (dit volley valide) à cause de douleurs au dos et genoux ont choisi de rejoindre l’équipe de volley-assis. C’est également le cas d’autres licenciés qui avaient des doutes sur leur niveau de jeu. La création de cette section a donc permis à tous de retrouver du plaisir dans le sport. « C’est très important d’avoir des personnes qui sont de milieux différents, et qui se retrouvent sur un même terrain pour défendre le même objectif », témoigne l’entraîneuse. Jouer au volley assis est moins compliqué que ce que l’on pourrait penser. En effet, le matériel est le même que pour le volley valide, avec les mêmes ballons. Nathalie Prigent explique : « Il faut juste baisser le filet, quand on passe du volley debout à assis. C’est très rapide. » Promouvoir la santé Actuellement, entre 8 et 10 personnes sont présentes à chaque entraînement. La salariée espère même mettre en place un créneau pour les débutants : « C’est une idée qu’on n’exclut pas, car les joueurs qui sont là actuellement commencent à bien savoir jouer. » L’accessibilité du volley assis ne se limite pas au terrain. À l’ASPTT Lannion, les difficultés financières sont contournées grâce à l’investissement des bénévoles et au soutien de la fédération. Le club lannionnais a reçu de nombreux labels pour récompenser la sensibilisation qu’il effectue dans les écoles. Le club détient également le label volley santé, une alternative au volley classique, avec des pratiques plus ludiques et un ballon plus léger. Des labels qui témoignent de l’engagement du club envers l’inclusion et la promotion de la santé par le sport. Le club et la Ville de Lannion sont donc conscients que l’inclusion dans le sport passe par différents types d’actions. La promotion du volley assis dans les écoles, lycées, et auprès du Service d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad), en est un bon exemple. L’ASPTT essaye donc d’intégrer au club ces jeunes qui ont un handicap, afin qu’ils puissent pratiquer un sport. « C’est important que ces personnes soient intégrées dans la société, parce qu’elles ont le droit de vivre et de participer aux activités, comme tout le monde », conclut Nathalie Prigent.
Lannion : En cas d’urgence, veuillez patienter

Depuis le 1er mars 2024, les urgences de Lannion sont régulées de nuit. Surchargés, certains médecins renvoient leurs patients prioritaires vers le service d’urgences de l’hôpital de Lannion. Mais là-bas aussi, difficile d’être pris en charge. Dans la salle d’attente, les malades perdent patience. Vendredi soir, 21h passé. Michel sort des urgences de l’hôpital de Lannion, furieux. Arrivé à 15h, il a passé l’après-midi coincé entre les quatre murs de la salle d’attente. La jambe gonflée, le mollet en feu, l’homme aura patienté sur sa chaise pendant six heures sans être pris en charge. « Il paraît qu’il n’y a qu’un seul médecin urgentiste pour tout le service. On attend depuis des heures, dans l’inconfort. On ne nous propose même pas à boire. J’ai l’impression d’être un animal ! », crache le patient avec colère. Pour lui, pas question d’attendre une minute de plus dans le bâtiment. Il ira aux urgences de Saint-Brieuc le lendemain, où il dit avoir été pris en charge bien plus rapidement. Dans la salle d’attente des urgences, quelques malades somnolent. Toutes des personnes âgées. Jambes croisées et front plissé, l’attente se fait longue. « Notre médecin généraliste nous a dit de venir ici. Il nous a donné un papier pour que l’on passe en priorité. Cela fait six heures qu’on poireaute », souffle une patiente avec exaspération. « On ne nous dit pas à quelle heure on va être pris en charge. Certaines personnes, qui arrivent après nous, sont reçues directement. On ne nous donne aucune explication », ajoute son mari, tout aussi remonté. Le bruit sourd de la télévision, en fond, alourdit l’atmosphère. Chacun se jette des regards entendus. Rapidement, le silence est brisé. « J’ai moi aussi reçu ce papier par mon médecin traitant », chuchote une femme, le regard fuyant. « J’accompagne ma mère, qui a des problèmes cognitifs. Je ne peux même pas aller la voir. », regrette-t-elle amèrement. Une autre surenchérit : « Certaines personnes pourraient même en mourir ». Michel résume : « En cas d’urgence, mieux vaut être patient ! ». C’est particulièrement flagrant en soirée où les délais s’allongent. La CGT confirme : d’après ses calculs, le temps d’attente moyen aux urgences de Lannion serait de douze heures.
Lannion : Face à la précarité étudiante, la solidarité s’organise

Pour faire face à l’inflation et à la hausse de la précarité étudiante, l’Union Pirate Lannion organisait sa troisième distribution alimentaire de l’année. © Guillaume Petit-Marzin Dans le centre-ville, 27 étudiants sont venus recevoir l’aide alimentaire distribuée par le syndicat étudiant Union Pirate. Entre précarité et malnutrition, les étudiants lannionnais peinent à se nourrir correctement. Avant même le début de la distribution, la solidarité étudiante se met en place. Lorsque Evan gare sa voiture pleine à ras-bord, une armée de bras se dirige pour venir en aide à l’organisateur de la distribution du jour. C’est la première fois qu’une distribution est organisée dans le centre-ville. Les étudiants affluent dans la petite salle de l’école de l’ENSSAT où de grandes tables sont installées. Alors qu’il range les cagettes dans la salle, Evan précise : « Nos distributions sont ouvertes à tous le monde. Il n’y a pas de critères pour s’inscrire ». Selon COP1, une association d’assistance aux étudiants qui en ont besoin, 50% des étudiants ont déjà renoncé à des achats alimentaires pour des raisons financières. “Beaucoup d’étudiants ont du mal à dire qu’ils ont besoin d’aide », observe Evan. « Certains pensent qu’ils vont prendre la place de quelqu’un d’autre qui est aussi dans le besoin. On ne fait pas de hiérarchie des besoins. » Une aide pour finir le mois Mathis s’est rendu à chaque distribution. Il ne voit aucune raison d’avoir honte. « Avec l’augmentation du prix des courses, c’est normal d’avoir besoin d’aide. Mais c’est vrai que c’est plus facile de venir à plusieurs » ajoute-t-il en désignant ses quatre amis. Le sac plein, l’étudiant finit par ajouter : « Quand je reste à Lannion pendant un mois complet, je suis inquiet pour la fin du mois. » À peine parti, Mathis est vite remplacé. Alexandre, étudiant à l’ENSSAT, rencontre lui aussi des difficultés. « En début d’année, je ne recevais pas mes bourses. C’était vraiment l’angoisse parce qu’il me manquait 130 euros par mois. Maintenant ça va mieux, mais ça reste tendu. » Les portions distribuées permettent aux étudiants d’avoir une alimentation plus variée. © Guillaume Petit-Marzin Précarité et malnutrition Pouvoir manger à sa faim est une question, manger sainement en est une autre. Les personnes qui n’ont pas une alimentation riche en fruits et légumes, et pauvre en produits transformés, ont plus de risque de développer des maladies telles que l’hypertension, le diabète ou encore l’obésité. Faute d’ingrédients, les étudiants peinent à diversifier les recettes. Benjamin étudie l’informatique à l’IUT. Il ne mange presque jamais de viande. « Je ne peux pas me le permettre », confirme-t-il. « Là, il ne me reste qu’un paquet de pâtes pour finir le mois. » Alors que les retardataires viennent se servir, Evan annonce qu’il s’agit de la dernière distribution de l’année, car beaucoup d’étudiants quittent Lannion, en avril, pour faire leur stage. Face au nombre croissant de demandes, le dispositif sera reconduit l’année prochaine.
Lannion : La gym pour le corps et l’esprit

La bonne humeur et les rires se mêlent au cours de gym ©Jade Lelieur Tous les vendredis à 9h, les corps s’échauffent et les esprits se libèrent pour les participants à la gym. Des personnes atteintes de maladies cardio-vasculaires pour qui le sport est devenu une nécessité. « Allez, on lève les jambes et on accélère ! »Camille, enseignante en activités physiques adaptées, encourage son groupe de gym. Les onze participants sont atteints pour la plupart de maladies cardio-vasculaires telles que de l’insuffisance cardiaque ou l’arythmie. Un moyen de bouger pour se maintenir en forme, mais aussi de penser à autre chose. Entraînés par la musique, les sportifs enchaînent les exercices. Squats, fentes et montées de genoux les font travailler le fessier et les jambes. « Je connais mon groupe depuis trois ans. J’adapte mes exercices en fonction d’eux », explique Camille. Au fil du temps, la trentenaire voit de l’amélioration. « Ils sont plus en forme que lorsque je les ai connus, c’est sûr », ajoute-t-elle en souriant. Ce que confirment les sportifs du vendredi matin : « Ça fait du bien ! » Un moment joyeux Après une petite pause, le circuit de renforcement musculaire reprend. Quand Camille demande comment chacun se sent, les réponses sont teintées de rire. « Ça va, mais les pieds chauffent », clame un participant. Pour ces retraités, la condition physique est d’autant plus nécessaire « qu’ils souffrent de maladies cardio-vasculaires. Certains ont aussi de l’arthrose ou du diabète », détaille l’encadrante. L’occasion pour eux de faire du sport, mais aussi de passer du temps ensemble. Pour Nelly, allier bonne condition physique et ambiance joyeuse, c’est la clé face à la maladie. « Je suis contente de retrouver tout le monde. Ça me permet en plus de garder une bonne condition physique. » Des bienfaits sont constatés sur l’état du corps et de l’esprit. Et pour cause, la pratique sportive réduit les risques de maladies cardio-vasculaires.
Lannion : Les jeunes Trégorrois face à l’éco-anxiété

L’éco-anxiété n’a pas de définition officielle. Dans le Trégor, les collectivités tentent de cerner cette problématique. L’agglomération profite d’événements scolaires et universitaires pour tenter de trouver des solutions. Avez-vous déjà eu des craintes pour l’avenir ? Un sentiment d’impuissance face au réchauffement climatique et à ses conséquences sur notre environnement ? Cela vous empêche de dormir la nuit ? Si la réponse est oui, vous présentez des symptômes de l’éco-anxiété. Et vous n’êtes pas seul. Dans le Trégor, près de 88% des 16-30 ans seraient, eux aussi, sensibles aux questions écologiques, selon une étude du Conseil de développement de Lannion Trégor Communauté (LTC). Discuter pour cerner le problème Un chiffre qui pousse les collectivités à inclure la thématique de l’éco-anxiété dans leurs politiques. Depuis quelques années, l’agglomération organise des évènements dans lesquels les jeunes trégorrois proposent eux-mêmes des façons de lutter contre l’éco-anxiété. Jeudi 22 mars, au lycée Félix Le Dantec, 80 étudiants de quatre établissements différents se sont réunis pour réfléchir à des solutions. Comment remédier à l’éco-anxiété des jeunes ? : c’est la question à laquelle les douze équipes d’étudiants ont essayé de répondre. Un thème qui a inspiré les participants. Candice Bouvet, étudiante en BTS tourisme au lycée Joseph Bossuet, explique : « Dès qu’on allume notre téléphone, on se sent submergé par des informations négatives sur l’environnement. C’est clair que ça fait peur ». Autour d’elle, son équipe s’affaire à trouver des solutions. Dans le groupe, chacun partage ses inquiétudes concernant les conséquences du réchauffement climatique. La montée des eaux, l’érosion ou encore l’augmentation des températures… la liste est longue. Les étudiants étaient répartis par groupe. Chacun a créé son projet de A à Z. © Elisa Boyer « Le territoire va devoir s’adapter » Antoine Van Meuveen est chargé de mission santé à LTC. Pour lui, répondre à l’éco-anxiété n’est pas aisé. « Il s’agit à la fois d’apporter un accompagnement à ceux qui en ont besoin, mais aussi d’utiliser cette angoisse pour pousser la population à agir. » Jamais traité par les collectivités auparavant, agir contre et avec l’éco-anxiété demande de faire preuve d’inventivité. « Le territoire va devoir s’adapter. L’enjeu, c’est de trouver des réponses à une problématique qui reste encore floue », précise le trentenaire. Au lycée le Dantec, les réponses apportées par les étudiants sont multiples. Journal des bonnes nouvelles sur l’écologie, groupes pour échanger entre éco-anxieux… L’agglomération espère pouvoir intégrer certaines idées dans leur feuille de route santé 2025-2030.
A Lannion, Frédéric André est l’ange gardien des familles endeuillées

Frédéric André est fier d’avoir un carré militaire au cimetière de Lannion ©Albane Galloyer Frédéric André est responsable des cimetières à Lannion depuis six ans. Avec cinq autres agents de la ville, il doit gérer six cimetières et 5 000 concessions. De l’entretien à l’accompagnement des familles, il raconte son quotidien. Cela fait 22 ans que Frédéric André travaille dans le funéraire. Comme la plupart de ses collègues, il a commencé comme marbrier fossoyeur, puis a été responsable d’un crématorium. À Lannion, le service cimetière est un service à part. Les agents ont une mission un peu différente des autres gardiens : ils ont affaire directement aux familles. Une mission que Frédéric André apprécie particulièrement. « Ce qui me motive, c’est d’accueillir les gens, et de les aider à accepter le départ d’un être cher. Je me sens utile. » S’adapter aux familles Être gardien de cimetière, c’est aussi rassurer les familles qui sont souvent préoccupées par l’entretien de la concession et sa durée. « On reçoit les familles et on les accompagne dans les démarches administratives, car il y en a de plus en plus », explique Frédéric André. Les agents vendent aussi des concessions, pour 10, 15, ou 50 ans, et aident les familles à choisir s’ils souhaitent pour leur défunt une inhumation en pleine-terre, en caveau, en columbarium, ou encore dans le puits du souvenir, un puits destiné à recevoir les cendres des défunts. Entre religions et croyances personnelles, les cérémonies funéraires peuvent être très différentes. « On se doit d’être neutre et d’apprendre les caractéristiques de toutes les religions. Lors des cérémonies musulmanes, le gardien de cimetière n’a pas le droit de mettre en bière le corps [mettre le corps dans le cercueil, NDLR], c’est la famille qui le fait, explique Frédéric André. Il faut aussi placer le corps du défunt sur le côté, avec le regard vers la Mecque. » De même, pour les protestants, c’est une autre réalité. « Le défunt arrive avec les pieds vers l’avant, pour être tourné vers le Seigneur, à la différence des catholiques où le corps arrive la tête en avant. » Le responsable du cimetière est également maître de cérémonie. De plus en plus, il observe une augmentation du nombre de cérémonies civiles, qui sont plus personnelles : « On devient le porte-parole des familles, pour qui il peut être compliqué de parler à ce moment-là. » Son rôle est de préparer avec eux la cérémonie, quelques jours avant, en choisissant par exemple les musiques à diffuser. « On est la police du funéraire » En plus de l’accompagnement des familles, les agents de cimetière doivent s’occuper de la propreté. « On entretient entre les concessions pour que ça soit propre, les parterres de fleurs, on s’occupe de la tonte… » À Lannion, l’objectif est d’enherber tous les cimetières, pour un côté esthétique et une facilité de nettoyage. « L’objectif est d’apporter un peu de couleur », ajoute Frédéric André qui estime que le la Ville lui donne les moyens, à lui et ses collègues, de faire son travail dans de bonnes conditions. À Lannion, un carré militaire a été construit dans le cimetière du Forlac’h. Il y a également un ossuaire où d’anciens combattants ont récemment été exhumés. C’est aussi le rôle de l’agent de s’en occuper ; une fierté pour le responsable du cimetière. « Tous les 11 novembre, une cérémonie est organisée, avec le maire et le préfet. C’est un bel hommage. » Grâce à un logiciel, les gardiens savent qui est enterré et à quel endroit. « Pendant le confinement, lors de la crise du Covid, beaucoup de gens se sont amusés à faire leur arbre généalogique. On a eu énormément de demandes de personnes qui cherchaient leurs aïeux. » Une autre de leurs tâches est de vérifier la mise en bière. En France, le corps du défunt doit obligatoirement être placé dans un cercueil avant d’être enterré. « On est un peu la police du funéraire », plaisante à ce sujet Frédéric André. Les six gardiens doivent gérer plus de trois hectares de cimetière ©Albane Galloyer Créer du lien avec les familles endeuillées De l’accompagnement administratif en passant par le choix de l’inhumation jusqu’à la période de deuil, les gardiens de cimetière accompagnent les familles avant, pendant, et après la perte d’un proche. « Il faut être humain, avoir de l’empathie et aimer rendre service », assure Frédéric André. « Mais il faut aussi pouvoir le faire, car cela peut être pesant et triste de travailler ici. On sait que la vie est fragile et qu’elle peut s’arrêter à tout moment. » Au fur et à mesure du processus de deuil, le lien se crée entre les agents et les proches des personnes enterrées. « Quand les gens viennent se recueillir, on prend le temps de rester avec eux. Même si c’est cinq minutes, cela ne nous retarde pas dans notre travail, et ça peut les aider. Pour les personnes âgées par exemple, c’est peut-être la seule conversation qu’ils vont avoir de la journée. Leur demander comment ils vont, c’est important » témoigne le gardien. Une qualité essentielle, que l’agent a acquise petit à petit. « Les gens nous racontent leur vie et veulent se livrer. On reste neutre en étant discret, et on est là pour qu’ils se sentent mieux. S’ils partent d’ici en se sentant plus légers, on aura gagné notre journée », assure le responsable. Un rôle nécessaire, car faire son deuil est très compliqué. « Quand on perd un proche, les gens autour de nous nous disent que ça va aller, que ça va passer, raconte Frédéric André. Mais perdre un être cher est une plaie qui ne part pas, on s’habitue simplement à vivre avec. »